Un magasin d'Europe de l'Est à Boston dans le Lincolnshire dans l'est de l'Angleterre

Depuis des siècles, la ville de Boston, dans l'est de l'Angleterre, était habituée à voir partir ses habitants, émigrants téméraires quittant le plat pays du Lincolnshire pour parcourir le monde. Depuis dix ans, les flux se sont inversés, non sans tension.

Après l'élargissement de l'Union européenne (UE) à plusieurs pays d'Europe de l'Est en mai 2004, Boston n'a cessé de voir arriver des Polonais, des Lettons et des Lituaniens.

Si bien qu'entre 2001 et 2011, date du dernier recensement, sa population étrangère a bondi de 467% (soit la plus importante progression du pays), venant à représenter environ 15% de la population totale.

"Boston se sent très déprimé en ce moment", se désole Anna Lailey de Ville, qui habite depuis huit ans dans cette commune connue pour son impressionnant clocher médiéval, joyau d'un centre-ville coquet.

"Nous avons tellement de travailleurs migrants ici et, vraiment, il n'y a pas assez de logements, pas assez de places dans les écoles et dans les hôpitaux pour autant de gens", affirme cette cinquantenaire inspectrice des écoles.

La présence des immigrés est particulièrement visible sur l'une des rues principales de la ville, West Street, où les magasins remplis de produits est-européens sont légions, mais aussi sur n'importe quel tableau de petites annonces d'emplois, plus nombreuses en polonais ou en letton qu'en anglais.

"Je crois que les gens vont voter Ukip par colère", estime Mme Lailey de Ville. A moins d'un mois des élections générales du 7 mai, ce parti, qui milite pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne et contre l'immigration de masse, talonne les conservateurs dans la circonscription de Boston et Skegness.

John Gardner, 59 ans, est de ceux qui hésitent entre ces deux partis.

L'immigration "a mis sous pression nos ressources, le NHS (service public de santé), l'immobilier, les écoles", dit cet ancien militaire, dont la fille travaille dans un hôpital et le fils est enseignant.

Dans certaines écoles de la région, il est difficile de trouver plus d'un élève ayant l'anglais comme langue maternelle, ce qui représente un véritable défi pour les enseignants.

D'après Mike Gilbert, conseiller en charge des Communautés à la mairie de Boston, l'affluence des Européens de l'Est s'explique notamment par les besoins en main d'?uvre dans cette région spécialisée dans la culture et le conditionnement de légumes et l'attrait du système de protection sociale.

"Si vous venez à Boston, vous avez un salaire de base, diverses allocations, un accès gratuit à l'éducation et aux services de santé", pointe-t-il.

- Limiter l'accès aux allocations -

Ce conseiller conservateur estime que la région a accueilli plus d'immigrants qu'elle ne peut en absorber et rappelle que son parti a promis de limiter l'accès aux prestations sociales pour restreindre les arrivées.

Il dit par ailleurs sentir que les immigrés sont un peu mieux acceptés qu'il y a quelques années, lorsque l'explosion d'une distillerie illégale de vodka avait provoqué la mort de cinq personnes et des manifestations.

Mais celui qui avait organisé ces protestations, Dean Everitt, dit se sentir toujours autant menacé de "devenir un étranger dans (son) propre pays".

"Je vis en Angleterre, je suis anglais et j'attends de pouvoir parler anglais, pas de devoir apprendre le polonais ou le letton pour pouvoir travailler dans l'usine locale", tonne-t-il.

Face à ces attaques, la plupart des immigrés interrogés refusent de répondre, préférant la discrétion.

Anna, une jeune Polonaise qui travaille pour une agence de traduction, assure elle que de plus en plus de ses compatriotes font des efforts pour s'intégrer, suivant notamment des cours d'anglais.

Dans le concert de critiques, des voix disent aussi trouver leur compte. "Chaque boutique du coin a une nationalité différente. C'est génial! Mangeons différemment, rencontrons des gens différents", s'enthousiasme Graham Scarborough, un sexagénaire à la retraite.

"S'ils n'étaient pas là, plus de la moitié des magasins de West Street seraient vides", reconnaît quant à lui Richard Goodwin, un autre retraité. "De ce point de vue là, ils nous rendent service".

De nombreuses études montrent que les immigrants en provenance de l'UE sont des contributeurs nets à l'économie britannique. Ils ont ainsi rapporté 20 milliards de livres (27 milliards d'euros) au Trésor britannique lors de la dernière décennie, selon un récent rapport de University College London (UCL).
La Source: AFP